Des Pharaons jusqu’à nos jours, les Egyptiennes sont un exemple hors pair de courage et de sacrifice

Dr Nesrine Choucri Mardi 16 Mars 2021-15:27:44 Chronique et Analyse

Depuis l’époque pharaonique jusqu’à l’époque moderne, la femme égyptienne a été un exemple hors pair de courage et de sacrifice. Les femmes égyptiennes ont joué un rôle prépondérant dans la société égyptienne, depuis que nos ancêtres ont  commencé l'édification de la civilisation humaine. Au fil du temps, la femme a épaulé son mari dans la construction et l’agriculture, a été son havre affectueux dans les crises, le mentor des vertus pour les enfants, la passerelle de la sagesse pour les petits-enfants, ainsi qu'une travailleuse productive contribuant à l’économie nationale.

 

 

 

Le 8 mars, le monde célèbre, ainsi que l’Egypte, la Journée internationale des femmes, qui coïncide avec la tenue de la première Conférence de la Fédération démocratique internationale des Femmes. Quant à nous, Egyptiens, nous célébrons, le 16 mars, la Journée égyptienne de la Femme commémorant la fierté et la gloire de la lutte des femmes égyptiennes pour l’indépendance dont quelques-unes sont tombées en martyres pour la patrie, abattues en 1919 par les soldats de l'occupation, lors d’une manifestation conduite par la fameuse et grandissime Hoda Chaaraoui. Le 16 mars 1923, a été créée l'Union  des femmes égyptiennes, première union féministe égyptienne et le 16 mars 1956, la  femme égyptienne a obtenu le droit de voter,  d’être élue et d’exercer tous ses droits politiques. Le 21 du même mois, nous célébrons la fête de la tendresse, de l’affection et du sacrifice, "la Fête des Mères"… La mère qui a soutenu le mari, veillé à l'éducation des enfants et les a offerts en martyrs pour nous. La mère des entrailles de laquelle est née la patrie, qui est devenue la voix de sa conscience et la gardienne de sa destinée. 

Depuis l’aube de l’histoire, la femme égyptienne a occupé une place d'honneur en étant incarnée par l’image d’Isis déesse de la sagesse. Au cours de notre époque moderne, la femme égyptienne a porté la bannière de l'innovation et de l'illumination, se trouvant en tête de l'action nationale.

Nul ne peut ignorer son rôle dans les révolutions égyptiennes qui ont appelé à la liberté et la dignité humaine, quand elle s’est levée et a incité tous les  Egyptiens à resserrer leur rang afin de récupérer notre chère Egypte face au colonialisme et face aux radicaux désireux de faire chuter la patrie au profit de leur idéologie corrompue. La femme égyptienne a donné les plus beaux exemples de courage et de capacité au défi en insistant d'aller de l'avant pour affronter les ennemis de la patrie, ne craignant ni leur terrorisme ni leur violence, allant même jusqu'à offrir ce qu'elle a de plus cher, "mari, fils et frère", en sacrifice pour ce grand pays. Elle s'est de même montrée, telle qu'elle le fut toujours,  patiente et consciente, en endurant certains des effets des récentes mesures de réforme économique. Elle s'est imposée en parlementaire chevronnée, juge vertueuse, grande scientifique, faisant irruption dans tous les domaines de l’action publique avec une vigueur et une efficacité reconnues par tout un chacun.

Ainsi, face à cette longue histoire, le Président Abdel Fattah Al-Sissi a déclaré 2017 l’année de la femme en disant : « Le devoir national et la responsabilité devant l'histoire nous obligent à accélérer le rythme de l'autonomisation des femmes,  à préserver leurs droits et à leur garantir  la place qui sied à leur valeur, leurs capacités et leurs sacrifices tout au long de l'histoire, en respect pour la Constitution égyptienne qui exprime la volonté du peuple égyptien, qui a établi les valeurs de  justice et d'égalité,  conformément aux principes d'égalité des chances et de garantie des droits des femmes.

Conformément à la vision de l’Egypte 2030 et sa stratégie de développement durable qui cherche à construire une société juste, garantissant l’égalité des droits et des chances pour ses fils et filles en vue du plus haut degré d’intégration sociale pour toutes les catégories, et conformément à la conviction de l’État égyptien que la stabilité et le progrès ne pourraient être atteints qu'en s’assurant la participation active des femmes dans tous les aspects de l’action nationale, et dans le contexte de la déclaration de 2017 année de la Femme. »

A partir de cette date, le Chef de l’Etat a pris des décisions importantes concernant Eve :  Premièrement : mandater le gouvernement,  tous les organes de l’État et le Conseil National de la Femme pour considérer la Stratégie d’autonomisation des femmes 2030 comme document de travail pour les prochaines  années  en vue d’activer les plans, programmes et projets inclus dans ladite stratégie. Deuxièmement : mandater le ministère de la Solidarité sociale, en coordination avec tous les organes et institutions impliqués du pays, pour  lancer une initiative nationale en faveur des micro-entreprises financées par le Fonds « Vive l'Egypte » et la Banque sociale Nasser visant l'autonomisation économique des femmes cheffes de famille et des groupes les moins favorisés, 250 millions de LE devant être alloués à cette initiative. Troisièmement : mandater le ministère de la Solidarité sociale pour  soutenir les familles des femmes cheffes de famille et les familles les plus démunies, par le biais de programmes de soutien souples fournis par la Banque sociale Nasser, d'un montant de  50 millions de LE, en vue de fournir une infrastructure facilitant à la femme et à la famille leur vie quotidienne dans les villages les moins favorisés. Quatrièmement : mandater le gouvernement pour débloquer 250 millions de LE permettant au ministère de la Solidarité sociale de fournir les services à la petite enfance, et permettant à la mère égyptienne de se rendre au travail  et contribuer à l'édification de l'Etat, tout en continuant à développer les programmes d'alimentation scolaire.

Mais n’oublions pas que dans l’histoire d’Egypte, il y avait des exemples inoubliables de femmes qui ont incarné la femme égyptienne ainsi que sa grandeur. Le Progrès Egyptien vous présente le portrait de quelques femmes qui ont marqué l’histoire d’Egypte ancienne et moderne :

Néfertiti, icône de la beauté

Néfertiti figure parmi les personnalités féminines les plus célèbres de  l’époque pharaonique en Egypte. La belle reine Néfertiti était l’épouse du roi Akhénaton. Elle a soutenu son mari dans ses réformes religieuses et sociales. Elle l’a accompagné dans son voyage à la ville d’ « Akhétatone » ou « Tel El-Amarna » à Minieh, choisie comme capitale de l’Etat dans le cadre de la révolution religieuse et politique qu’il avait déclenchée, et qui appelait à l’adoration d’un dieu unique, débarrassé de l’influence et de la corruption des prêtres de Thèbes.

Elle est apparue avec lui dans les cérémonies et les rites, dans les scènes familiales, voire même dans les campagnes militaires où elle est représentée tuant les ennemis. Après la mort de leur fille Meket-Atone, quelques dessins muraux ont illustré leur tristesse. Puis, Néfertiti disparut de la cour royale et sa fille Mirette-Aton l’a remplacée et a obtenu le titre de grande épouse royale. Néfertiti est décédée en l’an 14 du règne d’Akhénaton. Il est possible qu’elle ait été enterrée dans les cimetières royaux de Tel El-Amarna, mais sa momie n’a jamais été retrouvée.  Il existe plusieurs statues célèbres de la reine Néfertiti, reflétant sa grande beauté. 

Chagaret-Eddor, la sage-courageuse

Chagaret-Eddor, la sultane sage, est considérée comme la première reine musulmane à monter sur le trône d’un royaume islamique. Elle était renommée, au fil des époques, comme  femme puissante et influente. Chagaret-Eddor était l’épouse du Sultan ayyoubite Al-Saleh Ayoub. Ils ont eu un seul enfant « Khalil » décédé jeune en 1250 ap.J.C.

Chagaret-Eddor s’est distinguée par le bon sens et l’esprit équilibré. Lors de la mort du Sultan Al-Saleh Ayoub, les forces des Croisés s’avançaient sur la rive est du Nil pour attaquer les forces égyptiennes à Mansoura. Chagaret-Eddor a caché la nouvelle de la mort du Sultan et a introduit les médicaments et la nourriture dans sa chambre comme de son vivant, alors que les documents officiels quotidiens n’ont cessé de porter le cachet du Sultan. Elle s’est chargée de la gestion des affaires de l’Etat et  celles de l’armée sur le champ de bataille. Elle a envoyé un message à Toran-Chah, fils du  sultan défunt pour s’acquitter du commandement du pays.

Au cours de cette période transitoire, elle est parvenue à conduire les affaires du pays jusqu’à l’arrivée de Toran Chah en février 1250. Mais constatant son incapacité   à assumer la responsabilité, elle décida de prendre elle-même la  charge du  pouvoir. Chagaret-Eddor fut reconnue comme Sultane. Elle a accordé un grand intérêt à la liquidation de l’existence des Croisés en Egypte. Elle avait conclu un accord portant sur la libération du roi Louis IX – prisonnier de guerre à Dar Lokman à Mansoura – en échange de la libération de Damiette. Cependant, le Califat abbasside à Bagdad a demandé à la Sultane de renoncer au pouvoir en faveur de l’un des Mamelouks.  Chagaret-Eddor s’est trouvée obligée de renoncer au trône pour l’Emir Ez-Eddine Aybak qu’elle avait épousé. Chagaret-Eddor est restée reine pendant 80 jours.

Aïcha Abdel Rahman, la femme de lettres

Née le 6 novembre 1913 à Damiette au nord du Delta d’Egypte, Aïcha Mohamed Abdel Rahman surnommée « Bent El-Chateï » ou « la fille du rivage », est une femme de lettres et de recherche, et  professeur universitaire de littérature arabe. Aïcha Abdel Rahman  a reçu sa formation scolaire à l’école gouvernementale des filles « Al-Louzi ». Elle a obtenu le certificat des enseignantes en 1929 devenant ainsi  la première  femme au niveau de l’Egypte à détenir un tel certificat. Elle a obtenu le certificat du cycle secondaire en 1931. Elle a intégré  l’Université d’Aïn Chams et a obtenu la licence à la Faculté des lettres, département de la langue arabe. En 1941, elle a obtenu sa maîtrise avec Mention Excellent.

Aïcha  Abdel Rahman a occupé plusieurs postes importants, y compris : professeur d’exégèse et d’études supérieures à la faculté de Charia de l’Université Al-Quaraouiyine au Maroc (pendant 20 ans) ; professeur titulaire de langue arabe et de lettres à l’Université d’Aïn Chams en Egypte (de 1962 à 1972) ; professeur visiteuse à l’Université d’Om Dorman en 1967, à l’Université de Khartoum et à l’Université d’Alger en 1968, à l’Université de Beyrouth en 1972, à l’Université des Emirats en 1981 et à la faculté de pédagogie pour les filles à Riad (de 1975 à 1983). Dr Aïcha  Abdel Rahman  a également été membre de plusieurs organisations internationales spécialisées et de quelques Conseils scientifiques importants, tels le Conseil suprême des affaires islamiques, les Conseils nationaux spécialisés et le Conseil suprême de la culture, en Egypte. Elle a de même été membre du jury des Prix d’appréciation de l’Etat en Egypte. Dr Aïcha Abdel Rahman était professeure de lettres et de critique. Elle a  une production littéraire abondante et diversifiée qui comprend : des études coraniques ; des biographies des femmes de la Maison du Prophète Mohamed (paix et salut sur lui) ; la vérification de plusieurs textes, documents et manuscrits ; des études diversifiées dans les domaines linguistiques et littéraires ; des romans : (Sur le pont, la Campagne égyptienne, le Secret du rivage) et une autobiographie.

Dr Aïcha Abdel Rahman a obtenu plusieurs prix, y compris le prix d’appréciation de l’Etat pour la littérature en Egypte en 1978 ; le prix du gouvernement égyptien pour les études sociales et  la campagne égyptienne en 1956 ; la médaille de la compétence intellectuelle, du Maroc ; le prix de littérature, du Koweït en 1988 ; le prix Roi Faïssal pour la littérature arabe partagé avec Dr Wedad El-Qady en 1994. Elle a été la seule femme à être  membre de nombreuses institutions islamiques, telles que l’Académie des recherches islamiques au Caire et les Conseils nationaux spécialisés. Plusieurs écoles et salles de conférences dans les pays arabes  portent son nom. Elle est décédée en décembre 1998.

Hoda Chaarawi, l’indomptable révoltée

Elle était une activiste sociale, une des pionnières célèbres de l’appel à la liberté de la femme et une combattante politique dans le mouvement national égyptien pour l’indépendance nationale.

Née le 3 Ragab 1296 de l’hégire (23 juin 1879), elle est la fille de Mohamed Sultan Pacha, président du premier Conseil parlementaire d’Egypte. Elle a reçu son enseignement chez elle. Elle a étudié le Coran, a appris les principes de la lecture et de l’écriture, ainsi que les langues française et turque. Agée de 13 ans, elle s’est mariée avec son cousin Ali Chaarawi, politicien célèbre et l’un des leaders de la Révolution de 1919. Hoda Chaarawi s’est occupée de l’action sociale. Elle a fondé une association pour la protection des enfants en 1325 de l’hégire (1907). En 1326 de l’hégire (1908), elle a demandé aux responsables de l’Université du Caire de consacrer une salle aux conférences féministes et sociales. Sa demande fut vite satisfaite. Elle a également contribué à la fondation de l’Institution de Bienfaisance de Mohamed Ali aux enfants malades, en 1909.

Hoda Chaarawi fut à la tête des premières manifestations de femmes dans l’histoire d’Egypte en 1338 de l’hégire (1919). Elle a formé et supervisé le comité central d’Al-Wafd pour les femmes, a fondé l’Union féministe égyptienne en 1923, et a participé à plusieurs conférences féministes internationales. Elle a été influencée par de nombreuses idées occidentales. Elle a pris l’intiative d’ôter le voile en 1340 de l’hégire (1921), quand  Saad Zaghloul  a accueilli  les masses égyptiennes à son retour de l’exil. Elle a également invité à élever l’âge minimum du mariage à 16 ans pour la fille et 18 ans pour le jeune homme. Elle a demandé que des restrictions  soient imposées à l’homme pour prévenir le divorce. Elle  a lutté contre la polygamie qu’elle  considérait  humiliante pour  la femme. Elle a soutenu le droit de la femme à l’enseignement, au travail et à l’action politique .  Hoda Chaarawi est décédée le 28 Moharram 1367 de l’hégire (13 décembre 1947).

Latifa El-Zayat, la féministe engagée

Romancière et critique, Latifa Abdel Salam El-Zayat a accordé un intérêt particulier à la femme et à ses causes. Née le 8 août 1923 à Damiette, elle a reçu son enseignement dans des écoles égyptiennes. Elle a obtenu le grade de Doctorat en littérature de la Faculté des Lettres  de  l’Université du Caire en 1957.

Elle a occupé plusieurs postes. Etudiante, elle avait été  élue, en 1946, Secrétaire générale du Comité national des étudiants et des ouvriers. Ce comité a participé au mouvement du peuple égyptien à l’encontre de l’occupation britannique.

En 1952, nommée présidente du département de la langue anglaise et de sa littérature, elle occupa les  postes de présidente du département de la critique théâtrale  à  l’Institut des arts théâtraux   (1970-72), directrice de l’Académie des Arts (1972/73), et directrice de la culture de l’enfant. Latifa El-Zayat était membre du Conseil national  de la paix, membre d’honneur de l’Union  palestinienne des écrivains, membre du Conseil suprême des Lettres et des Arts, membre des  comités des prix d’encouragement de l’Etat dans le domaine du roman et du comité du conte et du roman.

Elle était également membre élue du premier conseil de l’Union des écrivains égyptiens et présidente du comité de la défense des causes nationales en 1979. Elle a représenté l’Egypte dans plusieurs conférences mondiales. Elle a supervisé la publication et la rédaction de l’annexe littéraire de la revue « Al-Talia ». Latifa El-Zayat a obtenu en 1996 le prix international de littérature. Elle a publié de nombreuses œuvres académiques et des traductions, ainsi que plusieurs œuvres romantiques, y compris :  La porte ouverte en 1960, La vieillesse et autres contes en 1986, La campagne d’inspection - journal intime - autobiographie publiée en 1992, La pièce de théâtre « Vente et achat » en 1994, « Le propriétaire de la maison » en 1994, "L’homme qui connaît sa charge" en 1995.

Elle a effectué plusieurs recherches dans la critique littéraire anglaise et américaine. Elle a également contribué à la rédaction de quelques revues littéraires.

Latifa El-Zayat est décédée en 1996.

 

 

Sources :

www.sis.gov.eg

www.progres.net.eg

www.presidency.eg

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